Dans un livre, Guillaume Pitron aborde les problèmes des métaux rares, présents dans les éoliennes mais aussi toutes les nouvelles technologies.
Guillaume Pitron : Pour la même production d’énergie, les technologies utilisées aujourd’hui consomment davantage de ressources que les technologies précédentes. Plus nous irons vers les technologies vertes, plus nous aurons besoin de ressources. La transition énergétique veut prôner la sobriété, mais nécessite l’inverse pour être rendue possible. En clair : elle nécessite davantage de ressources et c’est un paradoxe.
Nous sommes dans un système de gaspillage, il faut rationaliser les ressources. On sait recycler les métaux rares, mais cela coûte trop cher, car ils sont souvent sous forme d’alliages, des « composites », donc on ne le fait pas. On préfère les jeter lorsqu’ils sont usagés, plutôt que de payer un peu plus cher nos biens technologiques. Aujourd’hui, on ne recycle que 1 % des terres rares, mais c’est bien 100 % de tous les métaux rares qu’il faut recycler. Toutefois, même si l’on recyclait l’ensemble des métaux utilisés aujourd’hui, il faudrait toujours aller en chercher plus, c’est inévitable. Nos besoins augmentent de 5 % par an, la production est multipliée par deux tous les 15 ans. Il faut également lutter contre l’obsolescence programmée, substituer les métaux énergivores et faire de l’éco-conception.
ETI : La Chine produit 95% des terres rares et a le quasi-monopole sur d’autres métaux rares. Elle impose des quotas et des embargos. Aura-t-on assez de métaux pour assurer la transition énergétique ?
G.P : C’est vraiment une question qu’il faut se poser. Il faut souligner un véritable paradoxe : nous sommes dans un monde d’énergies renouvelables qui nécessite des matières premières non renouvelables pour être exploitées. D’un côté, certains observateurs disent que nous aurons toujours assez de métaux. Selon eux, le progrès technologique est une course permanente entre l’épuisement des ressources et le fait que l’on utilise les ressources de manière toujours plus efficiente. Après tout, cela fait 40 ans que la fin des réserves de pétrole est repoussée. Pour retarder ces échéances, nous développons de nouvelles technologies qui permettent d’aller chercher le pétrole toujours plus profondément. C’est la même chose pour les métaux.
Certains disent que ces métaux sont présents partout dans les océans et dans l’espace et qu’il suffit d’aller les chercher. Une autre école dit que le problème n’est pas tant géologique que technologique. À force d’aller toujours plus loin, nous arrivons à un plafond. Sans compter les impacts sur les écosystèmes que cela peut provoquer. Compte-tenu de notre rythme de consommation, il y a des pénuries de métaux annoncées à court ou moyen terme. De nouvelles technologies vont bien sûr apparaître et de nouveaux gisements vont être découverts. Mais il faudra toujours utiliser davantage d’énergie pour aller les chercher. Les limites de l’extraction minière ne sont pas quantitatives, mais énergétiques. Entre les deux positions, il faut savoir jusqu’où nous sommes prêts à aller pour un modèle dit durable et à base d’énergies renouvelables, mais reposant sur l’extraction de minerais non renouvelables. Personnellement, je suis inquiet. »
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