En novembre dernier à Rarécourt en Argonne, l’eau du robinet a pris une couleur brune et les habitants ont tout de suite compris ce qui arrivait.
Les mairies ont fourni des bouteilles d’eau à leurs administrés pendant un mois. La cause était d’un mauvais épandage et d’une fuite sur le méthaniseur.
L’eau qui s’écoulait des robinets de Rarécourt et de Froidos était d’une couleur jaunâtre tirant vers le noir. « On dirait du purin », s’exclamait alors Nathalie Coyard, le maire de Rarécourt.
(voir article de l’Est Républicain : https://www.estrepublicain.fr/amp/economie/2022/01/02/un-mois-sans-eau-la-methanisation-pointee-du-doigt).
Une eau impropre à la consommation
Des analyses réalisées le lendemain par les agents de l’ARS (Agence régionale de santé) révèlent « une contamination microbiologique importante », le document précisant en lettres majuscules : « Cette eau ne doit pas être utilisée pour la boisson et la préparation des aliments. »
« Cette pollution ne peut provenir que d’une installation de méthanisation »,constate le Collectif scientifique national méthanisation raisonnable
Pour le Collectif scientifique national méthanisation raisonnable, « cette pollution ne peut provenir que d’une installation de méthanisation suite à l’épandage inconsidéré de digestat sur des terrains non loin des sources communales », affirme Daniel Chateigner, le coordonnateur.
Pour rappel la méthanisation repose sur le principe naturel de dégradation de la matière organique afin de produire de l’énergie. Cette matière peut provenir des boues d’épuration mais aussi du fumier, du lisier, des biodéchets (déchets alimentaires) ainsi que d’une part de cultures dites intermédiaires (avoine, seigle, trèfles, maïs…) à vocation énergétique et non alimentaire.
Le tout est digéré dans d’énormes cuves afin de générer du biogaz. Le digestat est la matière restante de cette opération qui va ensuite servir de fertilisant naturel pour les sols agricoles. Présenté comme véritable alternative aux engrais chimiques, il est même utilisé dans l’agriculture bio. Oui mais…
Des conditions pour l’épandage
Son utilisation reste une opération technique qui doit être très encadrée. L’Agence de l’eau Rhin-Meuse évoque certains risques liés à son épandage. Il ne doit pas être réalisé sur sol nu par exemple ou sur des sols calcaires. Dans le cas présent, le maïs avait été ramassé et il ne restait que du mulch.
Dans l’urgence, les maires des communes ont dû s’organiser pour fournir des bouteilles d’eau à leurs administrés. Annie Pérot, maire de Froidos se souvient s’être retrouvée bien seule pour gérer le problème.
Ce sont ensuite des camions venus des communes voisines qui vont fournir de l’eau pendant près d’un mois. Car la pollution perdure comme en attestent les analyses des 12 et 17 novembre qui révèlent la présence de bactéries sulfito-réductrices dans l’eau (significative d’une contamination fécale).
Néanmoins dans la seconde leur taux étant très faible, l’eau « ne présente pas de risque sanitaire pour le consommateur ». L’ARS prescrivait la fin des restrictions d’usage. Il faut attendre l’analyse du 23 novembre pour que l’eau d’alimentation soit totalement conforme sur tous ses paramètres.
Un accident qui amène à plus de vigilance
Mais qu’en sera-t-il lors des prochains épandages ? C’est ce qui inquiète Mathieu Pagès, secrétaire départemental de la Confédération paysanne qui a écrit un courrier demandant à la préfète un moratoire sur la méthanisation.
Pour lui non plus l’origine de cette pollution ne fait pas de doute, celle-ci étant « vraisemblablement le résultat d’épandages de digestat de méthaniseur ». Les pluies abondantes qui ont suivi ont dû précipiter la pénétration de la substance dans le sol. Bien que Nathalie Coyard l’affirme, l’agriculteur a respecté les règles du périmètre d’éloignement. Celle-ci a néanmoins porté plainte à la gendarmerie.
Cet exemple est-il un épiphénomène ? Peut-être. Chose sûre, il alerte et incite à renforcer le cadre de son utilisation. La méthanisation est-elle vraiment la poule aux œufs d’or et verts promis ? On comprend que les gains engendrés soient une bénédiction pour un agriculteur pris financièrement à la gorge.
Côté nature, le remplacement des engrais chimiques est bien sûr un grand pas en avant mais la méthanisation ne doit pas amener à l’accaparement de terres initialement dédiées à la nourriture afin d’alimenter des structures de plus en plus grosses, à caractère industriel, pouvant engendrer des dérives.
Restons vigilants, nous aussi, aux Essarts lès Sézanne où un tel accident peut survenir à tout moment…